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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 09:12

« Père Noël, avec les années, j’ai perdu toute mon estime pour toi. Tous les jours, je te vois avec une bouteille de Coca à la main, un téléphone à l’oreille, un chocolat dans la bouche, dans le coffre d’une voiture, à côté du palais de Cendrillon … Tu en fais trop, tu n’es plus crédible. Tu n’es plus qu’un businessman, et tout le monde sait que tu t’es fait racheter par des firmes multinationales, tout le monde sait que tu as mis tes petits lutins de Laponie au chômage, remplacer tes rennes par des armées de camions, que tu as délocalisé ton activité en Chine et installer ton siège social aux USA. Tu n’entres plus délicatement par la cheminée pendant que les enfants dorment, tu entres par effraction dans le compte en banque des familles surendettées. Tu as vendu ton âme, et ne sois pas surpris que de moins en moins de monde croie en toi. »

 

Chaque soir, j'ouvre ma boîte aux lettres. C'est horrible. Avec leur gros Père Noël au ventre gras et au sourire faux-cul, les grosses enseignes essaient de nous vendre des objets inutiles. Je n'en veux pas, je tiens bon, mais chaque soir, c'est la même chose: des kilos de magazines en papier… toutes ces tonnes de jouets, toutes ces tonnes de foie gras, ça me donne la nausée.

Noël n'a plus vraiment de sens à mes yeux. Au risque d'avoir l'air radin et de manquer de coeur, il faut acheter des cadeaux à ceux que l’on aime. Quand on a une vie chargée, quand on travaille pour trois francs six sous, ce n'est pas facile d'aller passer ses samedis dans les centres commerciaux, et de trouver les objets qui combleront les personnes qui nous sont chères. Il y a tellement de monde dans les magasins que l'on se sent oppressé, et que l'on ne sait plus quoi et comment choisir. C'est curieux tout de même d'aller dans un centre commercial, dans la foule pour trouver les moyens d'exprimer son amour.

L'amour, c'est quelque chose d'immatériel. Ca passe dans le regard, ce sont de petits instants, c'est le fait de consacrer du temps, de l'énergie à quelqu'un d'autre, ça ne s'achète pas, c'est tout sauf commercial. Et pourtant, la société nous met la pression: il faut acheter pour prouver son amour! Mettre des cadeaux sous le pied du sapin est une obligation.

Résultat: à la fin de chaque année, on se retrouve avec, entre les bras, tout un tas d'objets dont on ne sait que faire. C'est vrai, au moment de les recevoir, on est touché par l'intention, mais au fond, quel gâchis. Est-il vraiment nécessaire de passer par un intermédiaire matériel pour faire comprendre à quelqu'un qu'il compte? Ne serait-il pas plus simple de lui dire yeux dans les yeux "Je t'aime bien, heureusement que tu es là!".

Ce qui me déplaît le plus dans Noël, c’est que ce soit une fête imposée, une lourde fête sous le poids de laquelle je me sens asphyxié. Au poids de la tradition, à la masse de toute une famille qui nous tombe d’un coup sur les épaules, s’ajoute le poids de l’exploitation de la tradition par le capitalisme, de tout ce matraquage publicitaire gras et niais. Sans cesse, dès que je sors dans la rue, dès que j’allume la radio, je me sens agressé; agressé par un système qui fait tout pour s’emparer de mon cerveau et me vider les poches.

La publicité profite de la naïveté des enfants pour exploiter leurs désirs et s'emparer de leur imagination; et les parents n'ayant pas les moyens d'offrir à leurs enfants les cadeaux dont ils rêvent culpabilisent. Noël est un immense coup de marketing nous imposant des normes du « bonheur », de la « famille » ; et la frustration de ceux qui ne se sentent pas en conformité avec ces normes est exploitée par le commerce.

Noël, c'est la grande fête du "consommer pour consommer", la grande fête de l'abondance qui n'a plus de sens. C’est un symptôme de la maladie de nos sociétés contemporaines: nous consacrons de l'énergie à des choses qui n'en valent pas la peine; et cette énergie que nous perdons nous ne l'avons plus pour les choses qui en valent vraiment la peine. On achète des dizaines de cadeaux, mais prend-t-on le temps de dire un « je t’aime » ?

 

« Père Noël, à mes yeux, tu n’es plus qu’une marionnette du capitalisme ; et cette année, fais-moi le plaisir de ne m’apporter aucun cadeau. Laisse-moi, redonne-moi ma liberté.  L’amour me suffit. »

 

Au fond, si j’écris tant de mal de Noël, c’est peut-être qu’il y a en moi une profonde mélancolie, c’est peut-être parce que j’ai du mal à faire le deuil de mon enfance, de ces beaux moments où j’étais capable de m’émerveiller. Peut-être qu’un jour, je serais papa, que je verrais les yeux de mes enfants briller devant un grand et beau sapin; et alors, pour ce bonheur-là, j’imagine que comme tout le monde, j’accepterais de faire des compromis avec le capitalisme; et que, par amour pour mes enfants, je laisserais mes beaux idéaux dans un petit coin, loin du sapin.

 

Matthieu Stelvio, publié sur agoravox.fr, http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/pere-noel-je-t-en-prie-laisse-moi-106868 

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commentaires

N
J'ai découvert ton blog en lisant ton article sur rue89.com. Article que j'ai trouvé agréable par son style et sincère dans les sentiments.<br /> Je viens de lire cet article sur Noël et... Tu m'as ouvert une belle porte.<br /> Je pense que le père Noël, c'est à nous de le faire vivre, à nous de transmettre ses valeurs fondamentales et essayer d'émerveiller nos (futur pour ma part) enfants comme nous l'étions étant plus<br /> jeune.<br /> Je vais lire ton blog, merci de partager des pensées si personnelles et si vrai. Tu sais toucher les gens et t'encourage à continuer.<br /> <br /> Très amicalement,<br /> <br /> Nicolas, 24 ans<br /> Etudiant M1 en environnement.
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D
J'aime beaucoup ton blog! Mais pardonne moi, quel dommage qu'il soit si difficile à lire! le clair sur fond noir n'est vraiment pas agréable! sinon continue j'adore ta plume :)
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M
<br /> <br /> Merci à toi ! C'est noté : je vais essayer de mettre un fond clair ! (Le fond noir, c'est plus écolo, car moins lumineux et moins énergivore ; mais bon, si ça gêne la lecture..)<br /> <br /> <br /> <br />
D
Je me retrouve totalement dans ce texte. La période de fin d'année n'est qu'un prétexte pour faire tourner l'économie et engraisser les multinationales. Partout on ne parle que de chiffres<br /> d'affaire. La magie de Noël a disparu depuis longtemps. Sauf en 2009, où lors de mon voyage en France, j'ai occupé la place de l'assiette vide dans 2 familles. Elles m'ont acceptées dans leur<br /> famille alors que je n'étais que de passage. Superbe moment de partage, c'est ça noël !<br /> En ce qui me concerne et cette période me pèse vraiment. "Les bonnes fêtes", "bonne année" que j'entends à longueur de journée partout, c'est devenu un réflexe, comme de dire "Ca va ?" tous les<br /> matins à tout le monde au boulot. Est-ce que ceux qui le disent le pense vraiment ? Pas si sûr.
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P
ooooohhhhh, quel bel article !!!!<br /> mais, t'inquiètes pas , le vrai Père noel pense à toi tous les jours et te récopensera en temps voulu !!!
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